« Ultracore »

du 17 Février 2013 au 5 Mai 2013

Le Magasin, Centre National d'Art Contemporain, Grenoble

C'est la première grande exposition monographique qui est consacrée à Anselm Reyle en France.
Reyle_1.jpg Né en 1970 à Tübingen d'une mère artiste elle-même, et vivant à Berlin, cet artiste allemand est très caractéristique d'une génération.
Très cultivé, il utilise ses connaissances dans son travail, soit pour s'en inspirer, soit pour les détourner. Il récupère des matériaux, pour les transformer. Son atelier est comme une « usine » qui fabriquerait des œuvres. Il se situe dans la droite ligne de l'artiste Armand. Il considère faire un travail archéologique. Il récupère des objets de la société postindustrielle, des rebuts, pour les reformater et les transformer, de telle sorte qu'il leur rend une valeur qu'ils avaient perdu.
C'est un pied-de-nez à la société de consommation, qui use et jette.
Lui récupère, transforme et anoblit. Il y met une certaine pointe d'ironie.
« En appliquant finitions brillantes et ostentatoires aux objets communs, Anselm Reyle défie leur fonction utilitaire et déterminée en leur donnant une nouvelle valeur commerciale ». On peut dire qu'il aime brouiller les cartes.

La première salle est consacrée aux néons de toutes couleurs et de toutes formes.
Reyle_2.jpg Ils fusent de partout. Nous sommes invités à déambuler parmi eux. Le tout donne une impression festive, joyeuse et aérienne, comme si nous nous promenions de nuit dans une rue éclairée par divers supports publicitaires.

Dans la deuxième salle, nous découvrons une autre de ses facettes.
Reyle_3.jpg Les divers objets récupérés (canettes, serrures, ventilateur d'ordi, ferrailles …) sont soit collés et assemblés sur des surfaces planes et exposés sous forme de tableaux, soit remodelés , transformés en véritables sculptures, puis colorés et laqués, et posés sur des stèles, devenant par la grâce de l'artiste, de véritables objets d'art.
Reyle_4.jpg Il transforme également les rebuts de porcelaine d'une fabrique de porcelaine allemande. Il en fait des conglomérats auxquels il fait subir le même processus d'élaboration des porcelaines, qu'il fait ensuite décorer par les artistes de l'usine.
Le tout est exposé sous vitrine, ce qui accentue le côté précieux et artistique de l'oeuvre. L'impression est saisissante !

Dans la troisième salle, nous découvrons une charrette du début du siècle dernier peinte en jaune fluoré, et face à elle, un haut tas de bottes de paille … argentées, ce qui a pour effet de les dématérialiser, et juste à côté, une croix telle que l'on pourrait en trouver au détour d'un chemin, mais « kitchisée » par le traitement que lui a fait subir l'artiste !.... dénaturation de la nature, métamorphose, transformation !

Dans la quatrième salle, ne se trouvent que des œuvres murales.
L'artiste s'est inspiré des feuilles en aluminium froissées qu'il a découvert dans des magasins, servant à décorer.
Reyle_10.jpg Il a repris l'idée, a joué sur le froissement, les couleurs. Et pour donner plus d'intensité à l'effet recherché, il les a installées sous des vitrines en plexiglas, d'abord seulement transparentes, puis irisées, ce qui donne une large palette de couleurs.
Une très grande peinture en deux couleurs horizontales donne une impression à la fois de voir un polychrome abstrait, mais aussi une sorte de paysage aux couleurs improbables. De l'intensité des couleurs et de la grandeur du tableau exsude une force incroyable. On y retrouve l'influence des grands tableaux américains abstraits, avec le côté inévitablement kitch des couleurs.
Reyle_5.jpg « Little yorkshire » nous renvoie à la fois aux puzzles, aux dessins d'enfant à compléter avec certaines couleurs en fonction de leurs numéros, à la reconstitution visuelle, et à l'abstraction pure, lorsque l'artiste prélève un bout de tableau et l'agrandit, le faisant cohabiter dans la salle d'exposition.
C'est le côté « âme d'enfant » que l'artiste a conservé !

La dernière salle est consacrée à des vidéos.

Et pour avoir une bonne idée de la façon dont travaille l'artiste, dans la « Rue » du Magasin, a été installé son Atelier.
Dans l'immense hall, des projections de peinture de toutes les couleurs décorent les murs, entre « tagages et vandalisme », à l'image de notre société contemporaine.
Reyle_9.jpg Et sur le sol reposent des magmas d'objets récupérés, tels que l'on pourrait les voir si on allait dans son atelier en Allemagne et qui « dégagent une certaine énergie propre ». Au départ, l'artiste avait photographié son atelier pour le mettre en quatrième de couverture de son catalogue, en tant qu'étape intermédiaire dans la construction de son œuvre. Puis est venue l'idée que temporairement cela pouvait servir d’œuvre en tant que telle, sans que nécessairement elle le devienne définitivement, montrant ainsi le côté « aléatoire » de l'art, et s'opposant également au côté muséal du reste de l'exposition.

Sensible au rêve et à l'évasion que l'art peut nous apporter, en dehors de tout questionnement sociétal ou philosophique, j'ai particulièrement aimé les néons multicolores de la première salle, les sculptures magnifiées de la deuxième , et les feuilles d’aluminium froissées colorées et la très grand peinture de la quatrième.
Quand la magie ainsi opère, il est bon de se laisser entraîner !
Merci, Mr Anselm Reyle !
Et merci au Magasin de Grenoble.

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