Magasin, Centre National d'Art Contemporain, Grenoble

du 3 juin au 2 septembre 2012

Isabelle Cornaro est née en 1974, elle vit et travaille à Paris.
Elle a été diplômée de l'École du Louvre en histoire générale de l'art en 1997, et de l'école nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 2002. Elle a vécu à Berlin en 2004 et 2005, avant d'être en résidence au Palais de Tokyo en 2006.

Elle a participé à de nombreuses expositions collectives en France et à l'étranger, et à des expositions personnelles,DSC_0641.jpg comme au Kunstverein à Düsseldorf en 2009, et au Collège des Bernardins à Paris en 2011.

Elle prépare actuellement plusieurs autres expositions dont une à la Kunsthalle de Berne (février 2013).

Elle utilise divers langages : le dessin, la vidéo, le film, l'installation, la sculpture, la reproduction, la vitrine .... qui lui servent à illustrer sa façon de concevoir l'art contemporain. Elle dessine avec les objets, elle fait de l'abstrait avec du figuratif, voulant par là nous montrer « comment les modes de représentation toujours historiquement et culturellement déterminés influencent notre perception du monde ».
Elle aime aborder les notions classiques de perspective, de point de vue et de positionnement, (cf l'installation dans « la rue » du Magasin), à la façon d'un tableau classique.
Elle aime donner une nouvelle interprétation aux objets ou éléments divers qu'elle récupère et qu'elle intègre dans ses installations et vitrines.
C'est ainsi que, dans « la rue », de par la disposition graphique d'ensemble, elle dirige notre regard, comme un peintre le fait lorsqu'il imagine la composition de son tableau, par des rappels de couleurs, de formes, de perspectives, par l'existence de socles de grandeurs différentes disposés d'une certaine façon, par le choix d'objets industriels divers et variés dans leurs aspects et leurs fonctions symboliques. Rien n'est laissé au hasard, tout a un sens.


Isabelle_Cornaro_4.jpg Il en va de même dans la composition de ses vitrines ou des vidéos qu'elle expose , comme « Floues et colorées » qui nous offre des couleurs douces et informelles, jouant sur les symétries, les flous, … avec comme source d'inspiration certains tableaux de Monet, alors que dans «  De l'argent filmé de profil et de trois-quarts » Isabelle Cornaro manie les formes géométriques, pièces de monnaies et billets, les dématérialisant sciemment, pour n'en donner qu'une abstraction pure, jouant sur les notions de valeurs.
La grande salle d'exposition recueille de très grandes peintures murales abstraites, fragiles et éphémères, reprises du film vidéo « floues et colorées », nous ramenant d'une certaine façon à l'Orangerie et aux nymphéas de Monet, puisqu'on y ressent la même plongée, la même immersion dans les couleurs représentées.
Des tableaux moulés à l'identique dans leur configuration mais différents dans leurs teintes, faits au départ de tissus et de tapis empilés, sont autant de versions colorés d'un même paysage, venant compléter harmonieusement de par leurs teintes les tableaux éphémères.
DSC_0679.jpg Conjuguant avec art des notions classiques et des emprunts aux stratégies artistiques des avant-gardes des années 1960-70, Isabelle Cornaro multiplie les médiums qui lui permettent d'atteindre ses objectifs de détournement du sens commun vers un sens nouveau et des valeurs nouvelles, cherchant ainsi à montrer « comment les modes de représentation historiquement et culturellement déterminés influencent notre perception du monde ».

Parallèlement à cette exposition, des participants à l'École du Magasin ont monté un projet : « The Whole World is Watching ». Ils ont emprunté ce titre à un slogan anti-guerre brandi en 1968 aux USA.
Ils ont pris pour point de départ l'histoire locale du « Vidéogazette » (1973-1976) à La Villeneuve de Grenoble, où un collectif de techniciens et de citoyens ont enseigné aux habitants de la Cité comment utiliser l'équipement audiovisuel, pour faire des reportages et transmettre par le biais d'une télévision locale l'actualité de la vie de la cité, où comment on peut faire sa propre actualité sans passer par des réseaux nationaux, où comment l'on peut avoir ses propres informations locales. C'est tout le questionnement du pouvoir de la télévision qui est posé et des manipulations que l'on accepte ou rejette.
Ce même projet est actuellement mené à Nairobi (cf une vidéo) ! Les années passent, mais certains évènements restent immuables !
The_Whole_World_is_Watching-low-2-250x209.jpg Le projet réunit dans l'auditorium du Magasin une sélection de films et de documents de ces années là (on peut ainsi voir par exemple Mr Dubedout maire de Grenoble à l'époque, des affiches très « parlantes », une évocation du rôle du cinéaste Jean-Luc Godard...) disposés de telle sorte que l'on puisse aller de l'un à l'autre, tandis que sont diffusés sur un grand écran en continue des clips pris sur les réseaux sociaux de personnes du monde entier qui se sont filmées en train de danser. Le plus étonnant dans cette projection murale est la parfaite et curieuse unicité qui existe entre toutes ces personnes d'origines si diverses mais qui toutes reproduisent dans des lieux si différents les mêmes gestes, sur une musique qui épouse parfaitement les mouvements des uns et des autres.
Que les clips soient projetés seuls, par trois, par six, par huit, par dix ….... la chorégraphie toujours la même semble avoir été conçue par une seule et même personne ….. C'en est vraiment troublant, fascinant, et même angoissant devant tant d'uniformité !......

Rôle des images, des films, des lieux d'exposition, de l'internet, répercussions sur notre vie, rôle de l'art (éternel, éphémère) et du sens que l'on veut bien lui donner, …. autant de questionnements qui rendent ces nouvelles expositions du Magasin très actuelles et stimulantes.