1905 – 1914

Aux origines de l'expressionnisme

du 30 mars au 17 juin 2012

Musée de Grenoble

Grâce à un prêt exceptionnel de plus de 120 œuvres du Musée « Die Brücke » de Berlin, le Musée de Grenoble organise une exposition consacrée au groupe « die Brücke », premier mouvement d'avant-garde allemand, et initiateur d'un des courants artistiques majeurs du XXème siècle : l'Expressionnisme.
Les années concernées vont de 1905, date de la création du mouvement, à 1914, date de sa dissolution.
L'exposition suit un ordre chronologique. Elle va de la création du mouvement à Dresde en 1905, par Ludwig Kirchner, Fritz Bleyl, Karl Schmidt-Rottluff et Erich Heckel, à sa continuation avec Max Pechstein, Emil Nolde, Cunot Amiet et Otto Mueller.
Le parcours chronologique se fait en trois temps forts.
Affiche-Die-Brucke-Grenoble-2012.jpg de 1905 à 1908, création et développement du mouvement, début de son rayonnement autour de jeunes artistes encore imprégnés des influences du passé
de 1909 à 1911, quintessence du style de « Die Brücke », sorte d'union totale entre l'art et la vie.
À la fin de 1911, arrivée du groupe à Berlin, qui y restera jusqu'à sa dissolution : les artistes du mouvement vont se retrouver confrontés à une réalité beaucoup plus dure que celle vécue à Dresde, petite ville de province. La vie à Berlin va influencer leur peinture, leur langage formel, leurs thématiques.

Au départ, ce sont quatre étudiants en architecture qui vont se retrouver à Dresde. Ils vont tourner le dos à l'architecture et vouloir aller à l'encontre de la société contraignante, corsetée, qui existait alors sous Guillaume II.
Ils vont être au plus prêt de la restitution de leurs émotions. Ils vont privilégier l'instinct à l'académisme, tant dans les dessins, au trait épuré, que dans la façon de peindre (empirisme et suprématie de la couleur et du geste). Ils vont utiliser aussi beaucoup la gravure sur bois, à l'expression directe et primitive.
Stylisation du motif et traits vigoureux chez Frite Bleyl, mouvement très libre chez Heckel, influencé par Van Gogh, forme qui se dissout dans les empâtements et la couleur chez Karl Smidt-Rottluff, arbres torturés chez Nolde rappelant Munch, …
Peu à peu le mouvement se libère de toute contrainte, c'est la vie dans la nature, une ode aux corps nus, et à la joie de vivre. Une vue neuve de l'approche du corps, dégagée de tout académisme, liberté du trait et abstraction de la couleur, qui rappelle les Fauves, vision simple et libre du corps, spontanéité des pauses dans des cadres naturels, ( Max Pechstein. Erich Heckel), les tonalités deviennent de plus en plus virulentes et colorées. Les artistes mènent une vie en communauté, en plein air, dans la nature, et mélangent leurs créations, à ne plus savoir qui a fait quoi : ils aiment représenter des scènes de baignades, de danse, de corps alanguis, ….
Le mouvement est rejeté par l'establishment allemand.
Otto Müller se joint au groupe en 1910, partage les étés à Moritzburg, où tous vivent nus parmi leurs modèles nus (hommage au corps féminin d'une femme assise sur un bateau, ouverte, offerte).
L'influence du primitivisme se retrouve dans la forme des têtes, la structure des tableaux, les gravures....
On peut voir l'évolution du mouvement « die Brücke » à travers le portrait de Marcella Kirchner, qui pause d'une façon naturelle désarmante, décontractée, inhabituelle à l'époque, et étonne par sa modernité tant dans la représentation du corps que dans le cadrage et dans ses couleurs chromatiques où le vert prédomine, avec seulement quelques notes orangées pour la peau et quelques touches rouges et bleues pour les chaussettes et chaussures (affiche de l'exposition).
L'arrivée à Berlin va changer les membres du mouvement.
La confrontation avec la grande ville, la vie dure des prostituées qu'ils côtoient, de nuit comme de jour, la vie dans les rues, les cafés, le mouvement cubiste… vont se répercuter sur les thèmes, les couleurs, la façon de peindre et de dessiner : visages grimaçants, durcissement des formes, changement des couleurs vers des tonalités plus froides, puis plus sombres. L'exposition du Musée de Grenoble évoque bien l'évolution du mouvement « die Brücke », passant d'un monde serein, tranquille, à un monde tourmenté, tragique, à l'image des deux auto-portraits de Kirchner, le premier en début d'exposition, de 1906, aux traits calmes et paisibles, et le second de 1916, vision hallucinée de l'artiste, fantomatique, tragique et angoissée.
C'est une très belle exposition de dessins, peintures, gravures, dont on sort avec, dans sa tête, plein de couleurs, de formes, d'émotions, de ressentis, messages d'artistes qui traversent si bien le temps, sans une ride, avec toujours la même intensité. C'est à voir et à revoir.